Épisode 16 : Thibault et les droits de la nature
Je suis très heureuse d’accueillir Thibault Faraüs, pour discuter de son mémoire de Master 1 Affaires Publiques – Soutenabilité et transition écologique intitulé « Les écosystèmes ont-ils des droits ? La personnification de la nature comme traduction juridique des communs ».
Thibault a réalisé ce mémoire sous la direction du Professeur Jérôme Blanc et il s’est vu décerné le Prix du Mémoire 2020 de Sciences Po Lyon.
Ce travail est donc disponible aux Éditions Libel, dans la collection Sciences Po Lyon.
Résumé
Un fleuve peut-il devenir une personne juridique ? Quelle place le droit accorde-t-il à ce qui n’est pas humain ? Les écosystèmes ont-ils des droits ?
Ces questions fournissent le point de départ de la réflexion développée dans le mémoire de Thibault. L’ampleur du défi posé par les bouleversements écologiques actuels constitue un terreau favorable à l’élaboration de solutions novatrices, notamment dans le domaine du droit. Se multiplient ainsi sur tous les continents des initiatives visant à reconnaître la nature comme personne juridique dotée de droits propres.
Le travail de Thibault aborde l’histoire des droits de la nature, au fil d’une enquête retraçant la consécration de la Terre-Mère dans le droit en Équateur et en Bolivie, jusqu’aux récents travaux de la Commission pour la création d’un Parlement de Loire en France, en passant par la personnification juridique des fleuves Whanganui en Nouvelle-Zélande ou Atrato en Colombie en 2017.
Après avoir retracé les justifications théoriques et expériences pratiques des droits de la nature, ce mémoire entend montrer que les droits de la nature, au-delà du dualisme entre humains et nature, permettent de réguler l’usage et de remodeler la gouvernance d’un milieu commun à tous ses habitants, humains et non-humains. Un dialogue est noué entre droits de la nature d’une part et mouvement des « communs » d’autre part, comme deux modalités d’un même refus de la marchandisation de la nature : l’approche par les communs permet de penser un écosystème non comme sujet de droit rival des sujets humains, mais plutôt comme tissu de relations au sein duquel les collectifs humains doivent trouver leur juste place. La fin de ce mémoire est consacrée à la question de la transposition des droits de la nature en France.
Bibliographie
Ouvrages
- Philippe Descola, 2005, Par-delà nature et culture, Paris : Gallimard.
- Philippe Descola (dir.), 2018, Les natures en question, Paris : Odile Jacob (Collège de France).
- Camille de Toledo, 2021, Le fleuve qui voulait écrire, Paris : Les Liens qui libèrent.
- Christian Laval, Pierre Sauvêtre et Ferhat Taylan, 2019, L’Alternative du commun, Paris : Hermann (Colloque de Cerisy).
- Baptiste Morizot, 2020, Raviver les braises du vivant : un front commun, Arles/Marseille : Actes Sud/Wildproject.
- François Ost, 2003, La nature hors-la-loi. L’écologie à l’épreuve du droit, Paris : La Découverte.
- Elinor Ostrom, 2010 (1990), La Gouvernance des biens communs : Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Paris : De Boeck (Planète en jeu).
- Judith Rochfeld, 2019, Justice pour le climat ! Les nouvelles formes de mobilisation citoyenne, Paris : Odile Jacob.
Articles
- Pierre Brunet, 2019, « Vouloir pour la nature. La représentation juridique des entités naturelles. » Journal of Interdisciplinary History of Ideas vol. 8, n° 15, pp. 2-44.
- Victor David, 2017. « La nouvelle vague des droits de la nature. La personnalité juridique reconnue aux fleuves Whanganui, Gange et Yamuna. » Revue juridique de l’environnement vol. 42, n° 3, pp. 409-424.
- Marie-Angèle Hermitte, 2011. « La nature, sujet de droit ? » Annales. Histoire, Sciences sociales vol. 1, n°66, pp. 173–212.
- Catherine Larrère, 2019. « Faire droit au vivant. » Délibérée vol. 3, n° 8, pp. 12-18.
- Christopher D. Stone, 1972. « Should trees have standing? Toward legal rights for natural objects.» Southern California Law Review n°45, pp. 450–501.
Textes juridiques ( législation et jurisprudence)
La plateforme « Harmony with Nature » animée par les Nations Unies comprend un recensement (non exhaustif) des droits de la nature dans le monde : http://www.harmonywithnatureun.org/rightsOfNature/