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Épisode 3 : Éléonore et l’encadrement des lobbyistes

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L’épisode

Bonjour à tous,

Aujourd’hui le Dazibao reçoit Éléonore Pellé, docteure en sciences politiques, pour discuter de sa thèse intitulée « L’encadrement des lobbyistes au Canada, au Québec, en Ontario, en France, et au sein des institutions européennes« .

Pour ce travail, Éléonore était sous la direction de Guillaume Courty au sein de l’école doctorale des sciences juridiques, politiques et de gestion de de l’Université de Lille 2.

Résumé

Le système canadien d’encadrement des lobbyistes est souvent cité comme étant « le modèle le plus abouti » et « le modèle de référence » à atteindre par bien des États.

Dans sa thèse, Éléonore cherche à déterminer s’il y a une influence du système fédéral d’encadrement canadien des lobbyistes sur les autres systèmes politiques démocratiques qu’elle a entrepris d’étudier et qui sont les suivants :

  • Le niveau fédéral canadien
  • La province du Québec et de l’Ontario
  • La France
  • Les institutions européennes, via le Parlement européen et la Commission européenne

Autour de 4 grandes questions, Éléonore s’attaque à l’étude de 5 terrains différents (!) :

  • Comment ces décideurs politiques se sont-ils inspirés du système fédéral canadien
    d’encadrement des lobbyistes ?
  • Les raisons justifiant l’institutionnalisation du lobbying ont-elles été les mêmes ?
  • Les différentes réglementations mise en place fonctionnent-t-elles de la même manière et ont-elles le même périmètre normatif ?
  • Ces réglementations ont-elles, enfin, eu les conséquences souhaitées par les décideurs politiques ?

Cette thèse bat en brèche le postulat de départ consistant à croire que la «famille politique de gauche» serait plus favorable à mettre en place une réglementation, alors que la « famille de droite » serait plus encline à intégrer les représentants d’intérêt/lobbyistes sans forcément vouloir les réglementer.

Les systèmes ayant une culture politique réfractaires aux représentants d’intérêt, comme le Canada et la France, auraient dû ainsi instaurer une réglementation très tôt, ce qui ne fut pas le cas. Même si le gouvernement fédéral a instauré une réglementation à la fin des années 1980, cela n’a pas été le cas au sein de la province de Québec et de l’Ontario ainsi qu’en France. Plutôt qu’opter pour un encadrement, ces systèmes ont, pendant longtemps, préféré laisser les représentants s’auto-réguler.

Des éléments conjoncturels, liés aux scandales et aux affaires politiques, expliquent aussi la nécessité pour les législateurs et les gouvernements de réglementer les pratiques des lobbyistes. D’importants scandales politiques sont à l’origine de la mise en place de ces règlementations au sein des terrains nord-américains, contrairement aux terrains européens.

Même si les systèmes français et bruxellois ont été touchés par des affaires politiques concernant des décideurs politiques et des représentants d’intérêt, cela n’a pas été pour autant l’élément déclencheur de l’institutionnalisation des représentants d’intérêt.

Dans le cas français, cela a reposé sur des réflexions de parlementaires qui se sont progressivement saisis du sujet. Les systèmes canadiens ont instauré dès le début une loi, alors que les institutions européennes ont mis en place seulement un acte non contraignant compte tenu du fonctionnement singulier de l’Union européenne. La France a eu une évolution relativement rapide, qui s’est entérinée par l’adoption d’une loi.

La désignation des professionnels du lobbying diffère entre les terrains canadiens, où le terme lobbyiste est utilisé, des terrains européens qui ont préféré le terme représentant d’intérêt. Cette thèse montre que, malgré une harmonisation dans la forme linguistique définie par les différentes lois/accords, plusieurs autres termes, que représentants d’intérêt/lobbyiste, sont utilisés par ces professionnels du lobbying.

 

Des différences existent également entre les sanctions instaurées dans les terrains nord-américains et ceux en Europe. Ces différences apparaissent dans le processus de constatation de ces sanctions, ainsi que dans l’application de celles-ci.

La logique répressive du système fédéral canadien se retrouve plus dans le système français que dans les autres systèmes.  Le système de sanctions ontarien, pour sa part, se rapproche davantage du système des institutions européennes, que de ses homologues canadiens. Le crédit de légitimité obtenu par les lobbyistes canadiens, ontariens et québécois autant dans la sphère politique qu’économique, est arrivé plus rapidement et facilement que pour leurs homologues français et bruxellois.

Ces réglementations n’ont pas vocation ni à enrayer la corruption, ni à empêcher de futurs scandales/affaires politiques, avoir de telles attentes seraient utopiques. En revanche, ces réglementations peuvent contribuer, de manière indirecte, à diminuer dans une certaine mesure les pratiques relatives à la corruption, ainsi que les scandales/affaires politiques.

Le renforcement de la transparence constitue la pierre angulaire à davantage d’éthique et de probité. Ces systèmes d’encadrement ont considérablement permis d’apporter une plus grande transparence, même si elle n’est pas similaire d’un système à un autre, en exigeant davantage de renseignements des professionnels du lobbying, et en rendant ces informations accessibles aux citoyens.

 

Définitions complémentaires

    • Lobbying : « Le « lobbying » ou la « représentation d’intérêts » désigne une activité qui consiste à prendre l’initiative d’entrer en contact avec des personnes chargées d’élaborer et de voter les décisions publiques ou de conduire l’action publique nationale ou locale pour influencer leurs décisions« . (définition Haute Autorité pour la transparence de la vie publique)

    • Régime présidentiel : « Le régime présidentiel se caractérise par une stricte séparation des pouvoirs : le pouvoir législatif a le monopole de l’initiative et la pleine maîtrise de la procédure législative ; le pouvoir exécutif, qui dispose d’une légitimité fondée sur le suffrage universel, ne peut être renversé ; le pouvoir judiciaire dispose de larges prérogatives. La principale caractéristique du régime présidentiel réside dans le mode de désignation du chef de l’État, élu au suffrage universel direct ou indirect« . (définition Vie Publique.fr)

    • Régime fédéral : « L’État fédéral, ou fédération, se définit par l’existence d’un État fédéral se superposant à des entités fédérées, selon une organisation « à double étage ». C’est la Constitution fédérale qui assure la répartition des compétences entre les niveaux fédéral et fédéré. Les compétences qui intéressent la souveraineté internationale restent généralement le monopole de l’État fédéral (diplomatie, défense, monnaie). Les États fédérés sont des entités politiques qui disposent chacune d’un pouvoir exécutif, législatif et juridictionnel, s’articulant avec ceux des institutions fédérales. Les États fédérés participent aux décisions fédérales : le pouvoir législatif fédéral est composé de deux chambres, l’une représentant la population de l’État fédéral, l’autre les États fédérés« . (définition Vie Publique.fr)

Répertoire des représentants d’intérêts ( France)

Registre des lobbyistes ( Canada)

Carrefour Lobby Québec ( Québec)

Registre de transparence ( UE)

Bibliographie

Livres & Articles

    • Michel Beaud, L’art de la Thèse, Éditions La Découverte, 2006.

Canada – Québec – Ontario

    • Raj Chari, John Hogan et Gary Murphy , Regulating lobbying: a global comparison, Manchester, Manchester University Press, 2010.

    • Michael Rush, « Registring the lobbyists: lessons from Canada », Political studies, vol.43, n°4, p.630-645, 1994.

    • Michael Rush, « The Canadian experience: The Lobbyists Registration Act », Parliamentary Affairs, Vol. 51, n°4, p.516-523, 1998.

    • Stéphanie Yates, « La transparence des activités de lobbyisme au Québec : la grande illusion ? », Revue française d’administration publique, n°165, p.33-47, 2018.

 

France

    • Guillaume Courty, Le lobbying en France. Invention et normalisation d’une pratique politique, Bruxelles, Peter Lang, coll. « La fabrique du politique », 2018.

    • Guillaume Courty et Marc Milet, « La juridicisation du lobbying en France. Les faux semblants de l’européanisation soft d’une politique de transparence », Politique européenne, vol.3, n° 61, p. 78-113, 2018.

    • Guillaume Courty et Marc Milet, « Moraliser au nom de la Transparence. Genèse et usages de l’encadrement institutionnel du lobbying en France (2004-2017) », Revue française d’administration publique, vol.1, n°165, p. 17-31, 2018.

Union Européenne

    • Cécile Robert, « La politique européenne de transparence (2005-2016) : de la contestation à la consécration du lobbying. Une sociologie des mobilisations institutionnelles, professionnelles et militantes autour des groupes d’intérêt à l’échelle européenne », Gouvernement et action publique, vol. 6, n°1, p. 9-32, 2017.

    • Cécile Robert, « Les dispositifs de transparence entre instruments de gouvernement et « machines à scandales » : fabrique et mobilisations des formes de connaissance sur le lobbying européen », Politique européenne, vol. 3, nᵒ 61, p. 174-210, 2018.

 

 

Extrait

 

*crédit photo : CCO The Cosmonaut – Wikimedia Commons modifiée via Canva

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