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Épisode 22 : Annis – Dans l’ombre des Parlements : les collaborateurs parlementaires en France et aux États-Unis

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Je suis très heureuse d’accueillir Annis Ghemires, pour parler de sa thèse, en préparation depuis octobre 2021 : « Dans l’ombre des Parlements. Sociogenèses des collaborateurs parlementaires et de leurs mobilisations en France et aux Etats-Unis ».
Annis prépare son doctorat sous la direction de Christophe Le Digol et Éric Phélippeau au sein de l’Institut des sciences sociales du politique de l’Université Paris-Nanterre.

Les premiers résultats de recherche

Dans sa thèse, mon invité travaille à une comparaison du travail parlementaire entre l’Assemblée Nationale et la Chambre des Représentants, sous l’angle notamment de leurs mobilisations collectives.

  • Le schéma de développement des deux législatures est très proche : on parle d’abord d’une faible d’activité et d’une spécialisation des travaux vers le XIXe siècle puis de l’accroissement de la taille de l’État et du développement de commissions parlementaires. Le premier personnel parlementaire est d’abord chargé des tâches logistiques et des compte-rendu. Le recrutement se fait par un système de patronage ; vient ensuite le recrutement de secrétaires puis s’opère l’élargissement des équipes par le recrutement d’un personnel plus spécialisé. 

On constate une tendance à l’augmentation du nombre d’assistants mais c’est un processus ni continu, ni linéaire. On peut prendre l’exemple des Républicains en 1994 qui réduisent d’un tiers le personnel des commissions. Du fait de la centralité du Congrès, la question des moyens alloués à son fonctionnement est centrale aux États-Unis, contrairement au Parlement français.

  • La Chambre des Représentants et l’Assemblée Nationale sont deux institutions aux fonctionnements différents (prééminence du corps de fonctionnaires en France…) mais avec de nombreux points communs : des collaborateurs jeunes, diplômés et qualifiés aux conditions de travail difficiles et faiblement reconnus, avec des missions, des compétences professionnelles et des reconversions proches (lobbying, institutions politiques locales…).
  • La principale différence entre ces deux institutions est le nombre beaucoup plus élevé de personnes employées au Congrès. La division du travail y est donc plus importante et le métier y semble plus professionnalisé, reconnu et standardisé (comme le montrent les nombreux titres professionnels- Chief of Staff, Legislative Director, Press Secretary, …). Cela ouvre des possibilités de carrière au Congrès où la progression régulière permet d’obtenir de relativement meilleures conditions de travail et de déléguer le « sale boulot » aux stagiaires ou collaborateurs juniors.
  • Les associations aux États-Unis ont surtout un rôle de réseau professionnel, de sociabilité et de socialisation professionnelle. Les plus importantes aujourd’hui sont celles constituées sur des bases ethno-raciales – ce qui montre l’importance des enjeux raciaux au Congrès – alors que ce sujet est absent en France. À noter cependant qu’une association plus directement politique regroupant les collaborateurs progressistes a été créée récemment, ainsi qu’un syndicat qui cherche à syndiquer les équipes de députés. C’est une conséquence du mal-être généré par MeToo, la crise sanitaire, de l’insurrection du 6 janvier 2021… L’association, le syndicat et la page Instagram DearWhiteStaffers s’entraident, avec un positionnement proche de DSA (le mouvement de Bernie Sanders).
  • Les collaborateurs des deux pays sont de plus en plus au centre de l’attention médiatique : dénonciation des conditions de travail et de situations de harcèlement, impact de MeToo et , en France, de l’affaire Fillon.
  • Les Relations entre l’argent et la politique sont très différentes : En France, l’utilisation du crédit-collaborateur a longtemps été faiblement régulée et surveillée, des pratiques illégales étaient même connues et tolérées (emploi fictif de proches, mise à disposition de collaborateurs au parti) ; cela était notamment permis par le fonctionnement autonome et opaque de l’Assemblée. Au contraire, la transparence et la régulation sont beaucoup plus fortes au Congrès : l’emploi de proches a été interdit précocement, peu de scandales financiers semblent concerner les entourages, hormis la question des revolving doors avec le secteur privé. Le symbole peut-être le plus frappant : la publication depuis la seconde moitié du XXe siècle des noms et rémunérations des collaborateurs aux Etats-Unis. L’Assemblée nationale divulgue les noms des collaborateurs en fonction seulement depuis 2017 et que les informations concernant leurs contrats sont rares et parcellaires.

Ressources complémentaires

Livres scientifiques sur les collaborateurs France et US

  • Dans l’ombre des élus. Une sociologie des collaborateurs politiques, Willy Beauvallet et Sébastien Michon (dir.), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. Espaces politiques, 2017, 258 pages.
  • Le travail de collaboration avec les élus, Guillaume Courty (dir.), Michel Houdiard Editeur, 2005, 312 pages.
  • Congress Overwhelmed. The Decline in Congressional Capacity and Prospects for Reform, Timothy M. LaPira, Lee Drutman, and Kevin R. Kosar (dir.), University of Chicago Press, 2020, 352 pages.

Séries et films

  • Série Parlement sur France télévision. Parle du Parlement européen mais le héros est un jeune collaborateur; c’est très bien fait et divertissant.
  • Le film The Report, qui parle d’un committee staffers du Sénat états-unien chargé de diriger une enquête de la commission du renseignement sur les pratiques de torture de la CIA sous George W. Bush. C’est plutôt l’élite de la collaboration parlementaire US et c’est très bien fait .
  • Vidéo à propos de DearWhiteStaffers et des conditions de travail pour le staff au Congrès états-unien :

Presse

Un article du Monde sur les conditions de travail des collaborateurs parlementaires de l’Assemblée : Être assistant parlementaire, c’est « des punchs dans la gueule, des horaires à la con, des députés qui nous engueulent sur tout »

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